Génard, Elsa

La libération conditionnelle en France de 1885 aux années 1930. De la loi à la pratique - 2016.


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La loi de libération conditionnelle votée en 1885 symbolise le consensus sur la nécessité d’une transition entre l’enfermement et la liberté, depuis la IIIe République. Sa longévité n’efface pourtant pas les rapports de force et de concurrence qui ont entouré son application. Cet article se propose d’analyser le passage de la loi à son incarnation dans une procédure administrative mettant en jeu une multiplicité d’acteurs. Il s’appuie sur une étude des dossiers de libération conditionnelle de la maison centrale de Fontevrault dans l’entre-deux-guerres. Ces sources permettent une plongée au cœur de la pratique routinisée des agents pénitentiaires, qui se réapproprient consignes et règles pour proposer les détenus au bénéfice de la libération conditionnelle. Cette étude tente de montrer que l’application de la libération conditionnelle relève d’un processus de décision verrouillé et opaque, au sein duquel les marges de manœuvre des détenus sont quasiment réduites à néant. Since the time of the Third Republic, parole law, passed in 1885, has symbolized a consensus: the transition between imprisonment and freedom is a necessity. Its longevity, however, should not deny the power relations and competition that characterized its enforcement. This article offers an analysis of how the law was transformed into an administrative procedure involving many actors. It relies upon a thorough study of the parole files from Fontevrault prison during the inter-war period. These archives enable us to look into the routinized practice of the prison officers, who re-appropriated instructions and rules in order to submit inmates to parole. This research tries to show that parole enforcement is dependent on a decision-making process that is constricted and opaque. In this way, the agency of the prisoners is very limited, if not completely destroyed.