Biotti-Mache, Françoise
Les morts de la rue. Aspects historiques
- 2011.
79
RésuméDepuis la naissance des civilisations urbaines, il y a quelques 10 000 ans, les rues sont un des lieux où risques et dangers surviennent et où la mort s’étale. Des catastrophes naturelles aux catastrophes provoquées par l’être humain, l’afflux des populations vers les villes va multiplier les conditions de leur propre mort. Le développement puis la richesse des villes vont attirer vers elles tous ceux que la terre ne pourra plus nourrir, créant une surpopulation qui engendrera très vite misère et faim qui vont devenir une des dramatiques constantes de la vie urbaine. L’émergence de la criminalité dans les rues des cités de l’Antiquité ne pouvait laisser présager ce que la délinquance urbaine allait devenir et comment elle n’allait jamais cesser et, jamais cesser de s’endurcir, jusqu’à nos jours. Pendant plus de mille ans en Occident et, particulièrement, en France, une course à la salubrité va s’engager entre citadins, pouvoirs royal, municipal et religieux, et elle ne sera gagner qu’au prix de la transformation radicale des villes et des modes de vie et après la survenue de maladies, d’épidémies qui feront des millions de morts et feront vaciller le devenir de la démographie occidentale sur ses bases. Mourir dans les rues est une forme de mort imposée par la misère, la faim, la maladie, les catastrophes naturelles, la criminalité, les accidents, la surpopulation, l’insalubrité, les révolutions et émeutes, les massacres, mais aussi dépendante des villes et de leur configuration, de leurs crises, de leurs habitants. En passant dans les rues de leur ville, les citadins sont rarement conscients de la multiplicité des risques et des dangers qui les menacent. On croit que les rues modernes sont différentes des rues d’autrefois et que les progrès de l’urbanisme, de la médecine mettent les citadins à l’abri de la grande majorité de ces causes de morts. Ce n’est que très partiellement vrai, et l’expérience historique enseigne que bien peu de causes ont disparu et que, a contrario, de nouvelles raisons de mourir dans les rues sont apparues. À travers quelques tableaux historiques, nous avons essayé d’évoquer l’évolution des villes et le souvenir de tous ces morts des rues. Since the birth of urban civilisation some 10 000 years ago, the streets of our towns and cities are places in which danger is rife and where death is commonplace. Natural catastrophes caused by human activity and the exodus of rural populations to urban centres vastly increased the factors making death an evermore likely probability. The development and growing wealth of cities attracted people struggling to exist off the land, giving rise to an over-population which in turn engendered misery and hunger, the two tragic invariables of urban life. The emergence of crime in the streets of the cities of Antiquity gave no suggestion of just how omnipresent and extreme urban criminality was to become. For over a millennium, Western societies, and in particular France, strove to clean up inner cities, involving citizens, royal, local and religious authorities in their efforts, and bringing profound transformation to the urban fabric and infrastructure of our cities and urban lifestyles, and this only in the wake of epidemics which killed millions and shook the future of Western demography at its very base. Dying in the streets was the death sentence imposed by misery, hunger, sickness, natural catastrophe, criminality, accidents, over-population, insalubrity, rioting, revolution and massacres, inherently linked to the configuration of cities, their crises and inhabitants. Citizens were rarely aware of just how dangerous it really was to step out into the streets of the town in which they lived. Today, we commonly believe that the streets are far safer places, thanks to the progress brought by urban design and medicine. This is far from true, and historical evidence proves that a very limited number of threats have disappeared and that, on the contrary, new causes of death in the streets have raised their ugly heads. This article presents a series of historical depictions retracing the evolution of our cities and the memory of those who met their demise in their streets.