Caïn et Abel
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Il était une fois, Caïn et Abel, les premiers frères de l’humanité balbutiante. Adonaï, père tout-puissant, fait le choix arbitraire des offrandes d’Abel, ce qui produit une envie d’une intensité ravageante chez Caïn : « Et son visage s’est défait », dit le texte de la Genèse. Caïn désire être aimé et reconnu par son père. L’angoisse suscitée par l’image de ce qui lui fait défaut et que posséderait son frère Abel, transforme son désir en une détresse muette. Passage d’un indicible à la décharge meurtrière. Caïn ne résistera pas à cette envie brûlante qui le taraude et accomplira le premier meurtre de la Genèse. L’envie, mère de la haine, engendre le meurtre fratricide, produisant un point de réel déclencheur de l’acting out et du meurtre psychique. C’est l’hypothèse que j’ai choisi de développer dans ce texte, avec les conséquences suivantes. Ce premier franchissement constituera le point d’origine des envies et rivalités fratricides, frérocités qui se répéteront à l’envi dans les guerres à venir ; il sera le parangon de la mise en acte de la pulsion de mort inscrite au cœur de l’humain. A contrario, et dans l’après-coup, le geste de Caïn fait advenir une rupture radicale par rapport à un avant. Il construit la naissance de l’altérité, de la subjectivation et du lien social. Caïn peut dire je et avoir un point de vue sur son acte et sur l’ordre du monde ; en particulier, cela va éclairer la question de la finitude des humains et de la mort dorénavant représentable. Double mouvement, celui de l’avènement du travail de pensée et celui du travail de la culture, avec le fondement de la loi. Cette même discontinuité s’apparente à ce que nous rencontrons dans le travail analytique, effet de coupure et de franchissement dans la cure, repérable dans l’après-coup de ce qui s’est construit dans le transfert. Ce qui devient transgressif, c’est alors l’ouverture à une nouvelle réalité psychique vivante.
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