C’est contre la doxa d’une tragédie racinienne désincarnée que naît le projet de ce livre: considérer les corps tragiques – ceux des personnages, ceux des acteurs, mais aussi ceux des spectateurs – afin de rendre les œuvres de Racine à leur matérialité théâtrale, c’est-à-dire aux conditions concrètes de leur représentation comme aux contextes idéologiques de leur production. Partant de l’idée que le corps ne saurait s’envisager hors du champ social et culturel qui le façonne, cette enquête met au jour les relations complexes que les corps raciniens entretiennent avec les réflexions picturales de l’époque, les débats sur la sensibilité galante, les institutions monarchiques et les évolutions de l’art dramatique. Se révèle alors un corps éminemment problématique, qui interroge les soubassements de la symbolique sociale en dramatisant les profondes tensions à l’œuvre dans les cadres de pensée artistiques, moraux et politiques de l’âge «classique». Les tragédies raciniennes s’offrent en cela comme un cas exemplaire pour observer les façons dont la scène théâtrale remet en jeu les valeurs qu’une époque donnée attache aux corps, aux gestes et aux affects.